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Articles en ligne – Concours du « Bulletin »

La Tour, reine de l’échiquier

Introduction

Quiconque s’est un jour interrogé sur l’origine du nom du village de La Tour-de-Trême a tôt fait de tisser le lien d’avec la Tour médiévale dressée fièrement sur le rocher, au centre de la localité. D’ailleurs, la traduction germanique de La Tour-de-Trême n’est-il point Zum Turm ?

Edifice emblématique de sa région, la Tour historique possède une riche histoire. Spectatrice figée dans les âges, elle fut témoin des guerres et des incendies qui ravagèrent sa localité éponyme, puis de son évolution qui se refléta dans ses vieilles pierres. Ainsi, elle revêtit plusieurs fonctions, fort variées, et s’accoutuma de son mieux aux lubies touraines.

Certains documents conservés dans les archives de la Ville de Bulle narrent en partie les péripéties endurées par le seul témoin restant des fortifications du village. Voici donc son histoire, agrémentée d’anecdotes archivistiques.

La Tour figurant sur les armoiries de la Commune de La Tour-de-Trême
Figure 1 : La Tour figurant sur les armoiries de la Commune de La Tour-de-Trême, 1923.

 

Historique

Les textes anciens font mention de La Tour-de-Trême pour la première fois en 1271 : « turrem de trema cum territoriis et appendiciis dicte turris », . Sous l’appellation latine de Turris de Trema  (ou parfois aussi Tunis Trema ou Tunis de Trema) apparaît ainsi la Tour appuyée à son éperon rocheux. « Une ville neuve, à plan concentrique, fut édifiée entre 1310 et 1328 ». Partie intégrante du bourg médiéval fortifié construit par les comtes de Gruyère, celle que l’on nomme également « le donjon » ou la « Tour carrée » est le dernier vestige de ce qui fut autrefois le château de La Tour-de-Trême. Elle dominait alors fièrement la maison forte et la porte du bourg . La Tour n’a pourtant jamais servi de lieu d’habitation aux comtes de Gruyère . Elle faisait office d’avant-poste à l'entrée de la Basse-Gruyère et permettait ainsi de surveiller la Trême, frontière naturelle avec Bulle, alors territoire de l’Evêque de Lausanne. Il est d’ailleurs probable que la Tour, culminant à 13m de haut, vit le jour des suites des craintes liées à la proximité des deux camps. « Les comtes de Gruyères auront attiré quelques habitants au pied de la Tour, afin de repousser l’ennemi arrivant du côté des terres de l’Evêque ; voilà l’origine du Bourg. »

La porte du Belluard, Gruyères. Les exploits de Clarimboz et Bras-de-fer ont été peints en 1860
figure 2 : La porte du Belluard, Gruyères. Les exploits de Clarimboz et Bras-de-fer ont été peints en 1860.

L’édifice éponyme perdit une première fois de sa superbe durant la guerre d’Everdes, en 1349. Le conflit débuta par une querelle entre Othon d’Everdes, vassal des comtes de Gruyères et Jean de Mackenberg, avoyer de Fribourg. L’opposition se matérialisa lorsque le premier dévalisa la femme du second. En guerre avec le Comté de Gruyère, et toujours à l’affut d’une quête vengeresse, les Bernois et les Fribourgeois ripostèrent et entamèrent une marche punitive. Les châteaux de Vuippens et d’Everdes furent incendiés. Puis, les armes vindicatives de l’Ours se rapprochèrent davantage de la Grue lorsqu’elles prirent La Tour-de-Trême. Enhardis, les Bernois voulurent poursuivre leur répression vers Gruyères, en traversant les bois de Sautaux. Selon la légende, deux vaillants guerriers, Clarimboz et Ulrich, dit Bras-de-fer, les paralysèrent au Pré de Chênes, stoppant ainsi leur progression jusqu’à l’arrivée du renfort des soldats du comte. Forcés de rebrousser chemin, les Bernois se replient, non sans laisser une trace funeste de leur défaite : le bourg et le château de La Tour-de-Trême sont détruits et une cinquantaine de prisonniers issus de la garnison sont emmenés. Après sa destruction par le feu, le donjon ne fut pas entièrement reconstruit. Son état se dégrade et désole les passants : « domus fortis… ville Turris Terme… ad ruinam deducuntur ». Ces quelques mots, rédigés en 1451, précisent bien que la fortification n’est plus que décombres (ad ruinam). En 1554, les dettes du dernier comte de Gruyère, Michel, obligèrent celui-ci à abandonner son précieux territoire aux mains des Bernois et des Fribourgeois – Chalamala n’avait-il point prédit que « tôt ou tard, l'Ours de Berne mangerait la Grue dans le Chaudron de Fribourg » ? La Tour-de-Trême échut subséquemment à Fribourg en tant que bailliage de Gruyère (1555-1798) puis fut intégrée aux districts de Bulle (1798-1847) et de la Gruyère (dès 1848).

De nombreux poètes, comme J. I. Baron et Claude Fontaine, s’inspirèrent de la sentinelle de pierre pour rédiger leurs ballades :
« Antique vigie de mon pays, n’es-tu pas l’Oculus Grueriae, l’œil vigilant du comté ? Tu regardes vers Bulle épiscopale, cité rivale de Gruyère pour les foires et les marchés, vers le château massif des prince-évêques à la crosse pacifique et pourtant parfois si remuante et si hostile. Tu regardes vers la clairière du Pré de Chêne en la forêt de Sautaux, où des braves se battirent pour le comté. Tu assistas, impuissante, aux incendies successifs qui désolèrent la bourgade et tu la vis renaître de ses cendres toujours plus belle et toujours plus forte. Tu vis jadis deux cavaliers, dans un morne silence, qui chevauchaient, côte-à-côte, au pied du Moléson. L’un deux, Michel, escorté d’un seul page, le cœur plein de sanglots, la pâleur au visage, disait adieu au manoir de ses aïeux, le plus beau des séjours, adieu à sa cité chérie, adieu pour toujours au noble pays de Gruyère. Tu contemplas vers Bulle, une dernière foi et avec mélancolie, cette belle allée de platanes sacrifiée aux nouvelles constructions. Mais aussi, tu assistas avec plaisir à la naissance du nouveau pont sur la Trême qui donne à la route bordée de trottoirs et munie d’un éclairage moderne, l’aspect d’une grande avenue. Ce second pont semble rapprocher les deux localités ou plutôt, souder le village à la riche cité de Bulle. »
Figure 3 : La Tour figure sur la carte dressée par von Schoepf en 1578.
Figure 3 : La Tour figure sur la carte dressée par von Schoepf en 1578.

 

Le village de La Tour-de-Trême fut la proie des flammes à plusieurs reprises : en 1602-1603, puis en 1779, en 1807 et enfin en 1856. L’incendie de 1807 marqua un changement de possession pour la Tour médiévale. En effet, le Canton de Fribourg, alors propriétaire de l’édifice, las de délacer les cordons de sa bourse pour ce vieux monument, céda sans peine sa propriété à la Commune de La Tour-de-Trême :

« La toiture fut incendiée dans le courant du mois de décembre 1807. La Commune demanda au Canton de la réparer afin de pouvoir y replacer l’horloge. Le Conseil d’Etat fit des recherches ; il constata que cette Tour appartenait réellement au domaine cantonal puisqu’elle faisait partie des « indominures » des comtes de Gruyère, aux droits desquels le gouvernement de Fribourg avait succédé. Mais il saisit cette occasion pour céder à la Commune cette propriété onéreuse et sans utilité »

Plus tard, La Tour change d’affectation. Des fils et pylônes lui sont rattachés. La voilà désormais transformateur d’électricité.

Le poids des siècles pèse sur les épaules du monument médiéval battu par les intempéries. Les sensibilités touraines s’attristent de voir leur emblème se dégrader progressivement et s’inquiètent de son futur. L’on parle d’urgence et de réparations plus que nécessaires. En 1943, les autorités lancent un appel d’offre ; en témoignent les offres et devis conservés aux archives communales. On dresse des plans, on consulte les architectes.

Figure 4 : Plan réalisé le 21 juin 1943 par les architectes L. Waeder et Fils.
Figure 4 : Plan réalisé le 21 juin 1943 par les architectes L. Waeder et Fils.

Il faut néanmoins attendre encore 10 ans pour que les travaux de restauration débutent enfin. Les fils électriques qui hérissaient la Tour sont retirés, les façades sont rafraichies et consolidées.

Figure 5 : La restauration de 1953.Notons qu’à l’époque, le bâtiment jouxtant la Tour était une laiterie avant d’être un garage.
Figure 5 : La restauration de 1953.Notons qu’à l’époque, le bâtiment jouxtant la Tour était une laiterie avant d’être un garage.

Le donjon retourne à ses pierres dormantes pendant 36 ans. Elle rejoint le devant de la scène en 1988. Nous retrouvons sa trace dans un « Rapport sur vision locale » datant du 1er mai 1988. A l’occasion de l’électrification de l’horloge (cf. chapitre à ce propos ci-après), un état des lieux a été effectué à la demande du Conseil communal. Des travaux sont préconisés pour les mois de mai et juin 1989 mais ne seront entrepris qu’ultérieurement. Il semblerait que d’autres rénovations nécessaires se soient ajoutées au rapport de 1988, comme en témoigne le procès-verbal de l’assemblée communale ordinaire du mardi 19 décembre. Un rapport éloquent est porté à la connaissance du Conseil :

« Notre Tour historique, figurant sur l’emblème communal et d’où est tiré le nom de notre village, seul édifice garant du temps passé, souffre quelque peu de son âge et mérite que l’on s’occupe d’elle. […] Nous avons mandaté une entreprise générale de construction afin d’examiner en détail l’état de notre Tour historique. Les travaux suivants, urgents, devraient être entrepris :

  • Travaux de maçonnerie à l’intérieur du bâtiment
  • Construction en bois à l’intérieur nécessitant la remise en état des escaliers et des planchers ainsi que des fenêtres
  • Couverture-ferblanterie-paratonnerre, la charpente étant en bon état, elle devrait seulement être brossée, mais par contre la toiture devrait être refaite du point de vue des lattages avec pose de nouvelles tuiles cannelées, pointues et vieillies. Il en est de même de la ferblanterie
  • Peinture extérieure et intérieure, traitement des bois et imprégnation de la menuiserie
  • Travaux d’aménagements extérieures et alimentation électrique. » 

La Commission financière approuve ces travaux arguant que le symbole du village mérite largement cet investissement et qu’une valorisation de ce patrimoine bénéficierait à toute la population touraine. Un soutien financier est apporté par l’Office fédéral de la culture et par la Commission des monuments historiques.

Les plans dressés en 1943 sont remis au goût du jour et adaptés pour les nouveaux travaux : 

Figure 6 : Plan dressé en 1943 réutilisé pour les travaux de 1991.
Figure 6 : Plan dressé en 1943 réutilisé pour les travaux de 1991.

En parallèle des rénovations effectuées sur la bâtisse, les ouvriers installent la nouvelle horloge à quartz et rénovent les cadrans extérieurs. Les besognes aboutirent en mai 1991.

Cette revalorisation du patrimoine local donne l’élan à d’autres initiatives. Durant l’été 1993, sous l’impulsion d’un habitant de La Tour-de-Trême, on soumet au Conseil communal l’idée d’utiliser la Tour restaurée pour des expositions d’artistes de la région. De cette mouvance nait l’Association des amis de la Tour historique le 6 avril 1994. Les missions de ce groupe sont résumées de la sorte dans leurs statuts :

« La fondation a pour but original l’organisation d’expositions artistiques liées à l’art en général comme photographies – dessins – gravures – peinture et sculpture qui seront, sous la responsabilité du Conseil de Fondation, agencées et présentées à l’intérieur de la Tour historique et sur l’aire d’accès de celle-ci, pour autant que ces emprises soient acceptées par la Commune propriétaire de l’immeuble. Elle peut aussi organiser ses activités en d’autres lieux, principalement à La Tour-de-Trême. […] »

La Commune approuve vivement ce concept et appuie financièrement le projet. Elle participe notamment à l’acquisition du matériel d’exposition. Et le Conseil communal de souhaiter « encore longue vie à cette vénérable Tour qui entame une seconde jeunesse au milieu des artistes ». Ainsi, la Tour se pare pour la première fois de photographies du 22 mai au 16 juillet.

Figure 7 : Panneau horaire des expositions de la Tour historique, 1994.
Figure 7 : Panneau horaire des expositions de la Tour historique, 1994.
 
 
 
 

En 1998, c’est au tour de Guy Oberson d’exposer ses créations entre les murs historiques. L’artiste joue avec les particularités de la Tour pour enrichir ses œuvres.

Entre heurs et malheurs, la Fondation finira par s’essouffler et sera dissoute en 2011. Les arguments avancés sont, parmi d’autres, la démission de plusieurs membres, le manque de fréquentation tant aux expositions qu’aux vernissages, la fermeture d’un jour de visite. Petit à petit, les expositions seront gérées par Trace Ecart et rejoindront leurs locaux. La Tour sera à nouveau esseulée.

En 1994 aussi, la Commune de La Tour-de-Trême propose un programme d’occupation des chômeurs. Ces derniers se voient confier des travaux d’aménagement et la remise en état du chemin d’accès à la Tour historique. « Il s’agit principalement de travaux de petits terrassements et de pose de clôture de sécurité pour le public ». Sept personnes furent employées, du 11 avril au 29 avril 1994. La Tour veille sur ses bienfaiteurs. A l’ombre des vieilles pierres, il fait bon vivre et la bonne ambiance règne ; seule ombre au tableau, quelques douleurs dorsales. C’est du moins ce que relatent les archives. Un employé a obtenu la régularisation de sa situation après ces travaux de maintenance.

Figure 8 : Plan d'aménagement du sentier menant à la Tour, 10 mars 1994, et état des escaliers menant à la Tour en 2004.
Figure 8 : Plan d'aménagement du sentier menant à la Tour, 10 mars 1994, et état des escaliers menant à la Tour en 2004.

10 ans plus tard, il faut à nouveau aménager le sentier d’accès à la Tour historique. Le secrétaire général et le préposé au dicastère des travaux publics entreprennent ce réaménagement et règlent au passage quelques querelles de voisinage. L’occasion est aussi saisie de se débarrasser de fouines domiciliées dans les alentours des vestiges médiévaux.

En 2012, les murs de la Tour sont à nouveau soumis à un examen minutieux. Il est question cette fois-ci d’installer un éclairage approprié pour mettre en lumière ces vestiges du passé.

Après un réveil animé et quelques années de visites, il semblerait bien que la belle dame de pierre ait replongé dans son sommeil séculaire.

L’horloge de la Tour 

Figure 9 : Vue de l'horloge avant sa restauration
Figure 9 : Vue de l'horloge
avant sa restauration

Dès 1683, la Tour historique se pare d’une horloge. Ce joyau lui confère une utilité moderne mais habille aussi ses murs gris et ternes. Ce garde-temps possède son histoire propre et mérite que l’on s’y arrête l’instant de quelques paragraphes.

L’autorisation du Petit Conseil de Fribourg tombe en date du 23 mars 1683 : la Commune de La Tour-de-Trême peut officiellement orner son emblème d’une horloge. Dotée d’un mécanisme important, elle fonctionnait « au moyen d'un poids fixé à l'extrémité d'une corde enroulée autour d'un cylindre, dont le nom du constructeur, Gillard de Villarvolard, est inscrit sur le châssis».

Pour assurer le fonctionnement de cette horloge, un employé zélé gravissait quotidiennement la pente rocheuse puis un escalier intérieur tout en bois pour accéder au pendule. Chaque jour, il remontait inexorablement le poids pour activer les mécanismes en fer forgé. Dès 1940, les archives communales précisent que s’ajoute à cette tâche l’entretien du sentier et des fleurs ornant le rocher. Notons au passage que cette dernière tâche soulevait régulièrement des querelles avec le voisinage immédiat.

Un des derniers collaborateurs en charge de ce poste a calculé qu’en 20 ans, son travail représentait 7300 montées au sommet de l’horloge. Ces chiffres nous viennent d’une lettre rédigée de sa main, daté de 1966. L’employé utilise ces données comme argument dans sa demande d’augmentation de salaire.

A cette même époque, le même préposé à l’entretien de la Tour dénonce l’état déplorable du vestige historique : saletés, fientes et salissures de pigeons, les fenêtres et meurtrières laissent entrer la poussière et les feuilles mortes, etc. Il demande instamment qu’un membre du Conseil communal vienne constater les dégâts et qu’une décision soit prise afin de pallier cette situation. La missive du collaborateur fut prise en considération. Le subordonné obtint sa revalorisation salariale et la Tour, de nouvelles fenêtres.

L’œuvre de Monsieur Gillard de Villarvolard était d’une qualité exceptionnelle car, en 300 ans, jamais elle ne fit défaut, même lorsque la toiture subit les dommages du feu en décembre 1807. Ce fut d’ailleurs un argument de poids dans la demande de réparation : il était nécessaire de réparer le toit pour que l’horloge puisse y être relogée. Ce n’est que durant le printemps 1988 que le clocheton se tut. La cause en était une « rupture de l’axe d’enroulage du cordage servant au remontage». Cette réparation paraît difficile et viserait l’équilibre de cette pièce antique. Un artisan fut mandaté pour établir un rapport et un état des lieux. Ce dernier conseille « de ne pas électrifier l’horloge dans son état actuel mais plutôt de faire une nouvelle installation basée sur une nouvelle horloge à quartz qui sera contrôlée par un émetteur de Prangins ». Le professionnel propose encore de remplacer les quadrants actuels et de valoriser l’horloge historique. Il préconise aussi de changer le marteau de frappe de la cloche.

Dans le procès-verbal susmentionné de l’assemblée communal ordinaire du 19 décembre 1989, il est de ce fait question du remplacement du garde-temps endommagé:

« […] Nous pensons qu’il serait préférable de changer cette horloge par une installation nouvelle, basée sur une horloge à quartz et remplacer les cadrans extérieurs tout en gardant la conception actuelle.

L’horloge antique, d’une très grande valeur historique, serait alors démontée soigneusement, nettoyée et entreposée dans un local propice avec les cadrans actuels qui subiraient la même remise en état. La population Touraine et le public auraient alors tout loisir de venir la contempler. »

C’est ainsi que la Tour historique fut dotée d’une technologie moderne et que l’emploi de remonteur d’horloge fut supprimé du cahier des charges des ouvriers de la Commune. Notons au passage que ce toilettage fut sublimé par l’acquisition de trois nouveaux cadrans dorés à la feuille par l’artiste Jacques Cesa.

Fait particulier, la cloche de l’horloge de La Tour avance de 5 minutes. Cette spécificité est liée à l’ouverture de la fabrique de chocolat à Broc en 1819 et à une demande précise de l’ancien Syndic, M. Sauer. Subséquemment, les ouvriers de la fabrique qui prenaient le train pour Broc savaient qu’au moment où résonnait le clocheton, il leur restait encore 5 minutes pour se rendre à la gare et attraper leur train. Cette tradition demeure aujourd’hui encore.

Figure 10 : La Tour et le café éponyme, fin XIXe siècle. 
Figure 10 : La Tour et le café éponyme, fin XIXe siècle.

Au sujet des archives

Parmi toutes les fonctions revêtues par la Tour au fil des siècles, il semblerait qu’elle servit aussi de dépôt d’archives. En effet, nous trouvons le paragraphe suivant dans l’ouvrage d’Eugène Dupasquier :

« On accède à l'horloge par un escalier intérieur ; à mi-chemin, une armoire munie d'une porte en fer renferma jadis les archives de la Commune, de l'incendie de 1852 à la construction de la nouvelle école en 1905, où elles furent alors transportées ».

A cette prime remarque, s’ajoute un plan, conservé dans les archives communales, ainsi qu’une paire de clefs affublée d’une étiquette « Archives de la Tour » :

Figure 11 : Plan et clefs des archives de la Tour, non datés.
Figure 11 : Plan et clefs des archives de la Tour, non datés.

Dans les archives du Musée Gruérien, il est fait mention d’un « Inventaire des archives de la Commune de La Tour-de-Trême », dressé en 1824 par le secrétaire communal, renouvelé en 1863, puis mis à jour régulièrement par les successeurs du premier secrétaire. Il y est notamment stipulé que le responsable des archives était M. Louis Dafflon, instituteur à La Tour-de-Trême. L’on y apprend encore que M. Louis Sauer, ancien député de la Commune, a présenté les archives au Musée Gruérien le 10 juin 1959.

Mais, les archives mentionnées dans cet inventaire ne font pas partie des documents conservés par les Archives de la Ville de Bulle. Il semblerait que ces papiers aient été déplacés en 1905 et qu’ils aient séjourné un temps dans les sous-sols du bâtiment scolaire.

En 1970, la Commune de La Tour-de-Trême dépose une grande partie de ses archives auprès des Archives de l’Etat de Fribourg. Le Service des Archives de la Ville de Bulle est d’ailleurs actuellement en discussion avec son homologue cantonal pour rapatrier ces dossiers en terre gruérienne.

Il est difficile de retracer le parcours exact de ces anciens documents produit par la Commune. Sur certains, des taches et dommages attestent d’un entreposage dans un lieu humide. Quelques mentions et quelques notes encouragent l’idée de leur présence dans la Tour avant 1970. Le fonds a-t-il été scindé ? A-t-il quitté la Tour dans son intégralité ? Une partie a-t-elle été jetée ? Dans une note administrative de la Commune, datée du 24 mars 1986, l’on trouve une mention « d’évacuation de déchets et d’autres matériaux entreposés à l’intérieur de la Tour ». Espérons que certaines pièces d’archives n’aient pas été mêlées à ce nettoyage.

Le mystère reste complet à l’heure actuelle mais mériterait assurément une enquête plus poussée. Un fait demeure pourtant, la grande dame de pierre fut pour un temps la protectrice de la mémoire communale.

Conclusion

« Une tour par l’âge assombrie » … Voici comment Pierre Sciobéret présente la Tour historique fièrement juchée sur son rocher. Mais, est-elle vraiment marquée par le temps ou a-t-elle marqué son temps ? 

L’emblème fidèle de La Tour-de-Trême a aujourd’hui pas loin de 800 ans. Au fil des siècles, elle fut tour à tour partie intégrante de ce qui fut le château de La Tour-de-Trême, garde-temps pour la population touraine, transformateur électrique, dépôt d’archives et de matériel communal, et enfin, espace d’expositions artistiques. Son allure changea à plusieurs reprises entre les incendies, les démolitions guerrières ou encore les intempéries et les années s’écoulant.

Mais de nos jours, rares sont les passants qui font coulisser la porte de la belle aux pierres dormantes. Les fantômes du passé sont désormais ses seuls visiteurs. Peut-être un futur meilleur se dessinera pour la sentinelle fatiguée ? Nous ne pouvons que souhaiter qu’une telle opportunité viennent embellir ses murs plusieurs fois centenaires.

Figure 12 : La Tour de nos jours, 2020.
Figure 12 : La Tour de nos jours, 2020.

Audrey Deillon-Progin

Archiviste à la Ville de Bulle

Sources, bibliographie, sitographie, références et notes sont dans l'article en téléchargement dans les documents.

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